Magali Casado
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TERRE ROUGE
Je suis née dans une famille où le silence a longtemps recouvert le passé. Mes grands-parents, tous deux réfugiés de l’Espagne franquiste, n’ont jamais parlé de leur vie avant leur arrivée en France. Même les étés passés dans le village natal de ma grand-mère ne m’ont rien appris de plus sur son histoire.
Des années plus tard, c’est en m’installant en Espagne que j’ai éprouvé le besoin de comprendre ce que leur existence avait été. J’ai commencé à chercher. Les témoignages familiaux étaient rares, la mémoire s’était comme arrêtée avant ma génération. Alors je me suis tournée vers les archives. Ce sont elles qui m’ont révélé le destin de mon arrière-grand-père, Lorenzo Marquez Guaita, exécuté en 1940. Comme des milliers de personnes tuées pendant la guerre civile et les premières années de la dictature, il a été fusillé et jeté dans une fosse commune.
Peu à peu, mon enquête photographique est devenue une quête collective. Les lieux portent encore aujourd’hui les cicatrices de ce passé. Les fosses, les murs d’exécution, les monuments aux morts et les symboles franquistes persistants racontent une histoire qui traverse les générations.
J’ai photographié mon père découvrant pour la première fois le site d’El Terrer, les balles incrustées dans les murs, les exhumations menées par des archéologues, mais aussi les silences.
À travers ces images, je ne cherche pas seulement à reconstituer une mémoire familiale effacée, mais à interroger le rapport de l’Espagne à son histoire, alors que l’on s’approche du cinquantenaire de la mort de Franco. Chaque photographie devient un fragment d’archive, un témoin fragile entre l’intime et le collectif.
TERRE ROUGE
Je suis née dans une famille où le silence a longtemps recouvert le passé. Mes grands-parents, tous deux réfugiés de l’Espagne franquiste, n’ont jamais parlé de leur vie avant leur arrivée en France. Même les étés passés dans le village natal de ma grand-mère ne m’ont rien appris de plus sur son histoire.
Des années plus tard, c’est en m’installant en Espagne que j’ai éprouvé le besoin de comprendre ce que leur existence avait été. J’ai commencé à chercher. Les témoignages familiaux étaient rares, la mémoire s’était comme arrêtée avant ma génération. Alors je me suis tournée vers les archives. Ce sont elles qui m’ont révélé le destin de mon arrière-grand-père, Lorenzo Marquez Guaita, exécuté en 1940. Comme des milliers de personnes tuées pendant la guerre civile et les premières années de la dictature, il a été fusillé et jeté dans une fosse commune.
Peu à peu, mon enquête photographique est devenue une quête collective. Les lieux portent encore aujourd’hui les cicatrices de ce passé. Les fosses, les murs d’exécution, les monuments aux morts et les symboles franquistes persistants racontent une histoire qui traverse les générations.
J’ai photographié mon père découvrant pour la première fois le site d’El Terrer, les balles incrustées dans les murs, les exhumations menées par des archéologues, mais aussi les silences.
À travers ces images, je ne cherche pas seulement à reconstituer une mémoire familiale effacée, mais à interroger le rapport de l’Espagne à son histoire, alors que l’on s’approche du cinquantenaire de la mort de Franco. Chaque photographie devient un fragment d’archive, un témoin fragile entre l’intime et le collectif.
Légendes : 1. Mon père tenant l’unique portrait de mon arrière-grand-père Lorenzo Marquez Guaita, supposément membre du Front Populaire et exécuté en 1940 par le gouvernement franquiste. 2. Villargordo del Cabriel dans la communauté de Valence en Espagne. C’est là que mon arrière-grand-père et sa famille vivaient. C’est aussi là que mes cousins et moi avons passé la plupart de nos étés. 3. Selon les archives franquistes, mon arrière-grand-père aurait participé à l’assassinat de 22 personnes de son propre village pendant la guerre d’Espagne. Les executions se seraient faites dans une vigne puis les corps auraient été enterrés dans une fosse commune du cimetière de la ville voisine d’Utiel. 4. Un memorial aux victimes de la guerre civile, surmonté d’une statut se cachant les yeux, s’élève aujourd’hui à cet endroit. 5. Nicole et Monique sont les deux personnes les plus âgées de ma famille. J’espérais qu’elles pourraient me donner des informations sur Lorenzo.“Là à droite c’est ta grand-mère avec ton arrière-grand-mère. Elles ne nous ont jamais parlé de ton arrière-grand-père.” 6. Drapeau espagnol flottant au-dessus de la place d’Espagne dans le hameau de las Casas d’Utiel, non loin de l’endroit où se seraient produit les assassinats. 7. Sur Maps, la place d’Espagne de las Casas de Utiel peut encore se trouver sous le nom de Plaza del Caudillo, titre donné au dictateur Franco. Votée en 2007, la loi de Mémoire Historique a imposé la disparition des symboles franquistes dans tout le pays. En 2019 la ville d’Utiel a annoncé avoir rempli cette obligation. 8. Mon père découvre El Terrer de Paterna. Plus de 2200 personnes ont été exécutées devant ce mur après la guerre civile, dont Lorenzo. Aucune plaque ni aucun chemin n’indique ce lieu pourtant inscrit au Catalogue des lieux et itinéraires de la mémoire démocratique de la Communauté valencienne en 2022. 9. Des impacts de balle sont encore visibles sur le mur, parfois cachés par les grafittis. La zone a servi de décharge sauvage pour des matériaux de construction. Toute la fosse de la galerie de tir a disparu sous la terre et les déchets. 10. Autocollant République Espagnole apposé sur une barrière non loin de El Terrer. Les couleurs sont celles de la Seconde République Espagnole renversée par Franco. 11. Après son exécution en 1940, le corps de Lorenzo a été jeté dans une fosse commune creusée dans le cimetière voisin. En 2017, une association de familles a obtenu son ouverture pour exhumation des corps. Une dalle commémorative recouvre aujourd’hui l’emplacement. 12. 49 personnes ont été identifiées dans cette fosse qui porte le numéro 113. 13. Excavation de la fosse 117 contenant 2 corps le 24 avril 2025 par l’association d’archéologues ArqueoAntro. Cette association a mené l’exhumation de la plupart des fosses communes du cimetière – dont celle de Lorenzo – ainsi que d’autres lieux historiques de la Guerre civile et de la dictature franquiste. Toutes les fosses communes du cimetiere de Paterna n’ont pas encore été creusées. 14. Les subventions données par la région pour ces travaux pourraient être remises en question par l’amendement déposé par le parti d’extrême droite Vox en mai 2025, demandant l’exclusion des associations à but non lucratif de la liste des bénéficiaires possibles. 15. Le cimetière de Paterna compte plus de 150 fosses communes répertoriées. Ici, les exécutions se sont succédées de 1939 à 1956 soit après — et même bien après — la fin de la guerre civile. 16. Parterre de fleurs au couleurs du drapeau de la Seconde République Espagnole dans le cimetière de Paterna. 17. Un certain Gregorio Marquez Perez accusé des mêmes assassinats que Lorenzo fut lui aussi fusillé et jeté dans la fosse 113. Après des recherches menées avec mon père et mon oncle, nous avons retrouvé son fils Antonio, aujourd’hui âgé de 86 ans. 18. Au téléphone, Antonio me dira que même s’il a vécu jusqu’à ses 14 ans à Villargordo del Cabriel, il n’a jamais rien su des actions réelles de son père. Ni sa mère ni personne d’autre ne lui en a jamais parlé. 19. La procession du 15 aout 2025 débute devant la plaque apposée à l’entrée de l’église de Villargordo del Cabriel rendant hommage à ceux “tombés pour la patrie”. Les noms des 22 personnes supposément tuées par Lorenzo figurent en dessous de celui de José Antonio Primo de Rivera : le fondateur de la Phalange, parti fasciste qui fut l’un des piliers du régime franquiste. 20. À l’entrée du cimetière de Villargordo del Cabriel, un autre monument honore les 22 supposés sympathisants franquistes tués par Lorenzo. 21. Tombe de Lorenzo à Villargordo del Cabriel. Après son identification, ses restes ont été remis à la famille. Il repose désormais à côté de sa femme et à quelques mètres d’un monument rendant hommage aux 22 personnes assassinées.
Légendes
1. Mon père tenant l’unique portrait de mon arrière-grand-père Lorenzo Marquez Guaita, supposément membre du Front Populaire et exécuté en 1940 par le gouvernement franquiste. 2. Villargordo del Cabriel dans la communauté de Valence en Espagne. C’est là que mon arrière-grand-père et sa famille vivaient. C’est aussi là que mes cousins et moi avons passé la plupart de nos étés. 3. Selon les archives franquistes, mon arrière-grand-père aurait participé à l’assassinat de 22 personnes de son propre village pendant la guerre d’Espagne. Les executions se seraient faites dans une vigne puis les corps auraient été enterrés dans une fosse commune du cimetière de la ville voisine d’Utiel. 4. Un memorial aux victimes de la guerre civile, surmonté d’une statut se cachant les yeux, s’élève aujourd’hui à cet endroit. 5. Nicole et Monique sont les deux personnes les plus âgées de ma famille. J’espérais qu’elles pourraient me donner des informations sur Lorenzo.“Là à droite c’est ta grand-mère avec ton arrière-grand-mère. Elles ne nous ont jamais parlé de ton arrière-grand-père.” 6. Drapeau espagnol flottant au-dessus de la place d’Espagne dans le hameau de las Casas d’Utiel, non loin de l’endroit où se seraient produit les assassinats. 7. Sur Maps, la place d’Espagne de las Casas de Utiel peut encore se trouver sous le nom de Plaza del Caudillo, titre donné au dictateur Franco. Votée en 2007, la loi de Mémoire Historique a imposé la disparition des symboles franquistes dans tout le pays. En 2019 la ville d’Utiel a annoncé avoir rempli cette obligation. 8. Mon père découvre El Terrer de Paterna. Plus de 2200 personnes ont été exécutées devant ce mur après la guerre civile, dont Lorenzo. Aucune plaque ni aucun chemin n’indique ce lieu pourtant inscrit au Catalogue des lieux et itinéraires de la mémoire démocratique de la Communauté valencienne en 2022. 9. Des impacts de balle sont encore visibles sur le mur, parfois cachés par les grafittis. La zone a servi de décharge sauvage pour des matériaux de construction. Toute la fosse de la galerie de tir a disparu sous la terre et les déchets. 10. Autocollant République Espagnole apposé sur une barrière non loin de El Terrer. Les couleurs sont celles de la Seconde République Espagnole renversée par Franco. 11. Après son exécution en 1940, le corps de Lorenzo a été jeté dans une fosse commune creusée dans le cimetière voisin. En 2017, une association de familles a obtenu son ouverture pour exhumation des corps. Une dalle commémorative recouvre aujourd’hui l’emplacement. 12. 49 personnes ont été identifiées dans cette fosse qui porte le numéro 113. 13. Excavation de la fosse 117 contenant 2 corps le 24 avril 2025 par l’association d’archéologues ArqueoAntro. Cette association a mené l’exhumation de la plupart des fosses communes du cimetière – dont celle de Lorenzo – ainsi que d’autres lieux historiques de la Guerre civile et de la dictature franquiste. Toutes les fosses communes du cimetiere de Paterna n’ont pas encore été creusées. 14. Les subventions données par la région pour ces travaux pourraient être remises en question par l’amendement déposé par le parti d’extrême droite Vox en mai 2025, demandant l’exclusion des associations à but non lucratif de la liste des bénéficiaires possibles. 15. Le cimetière de Paterna compte plus de 150 fosses communes répertoriées. Ici, les exécutions se sont succédées de 1939 à 1956 soit après — et même bien après — la fin de la guerre civile. 16. Parterre de fleurs au couleurs du drapeau de la Seconde République Espagnole dans le cimetière de Paterna. 17. Un certain Gregorio Marquez Perez accusé des mêmes assassinats que Lorenzo fut lui aussi fusillé et jeté dans la fosse 113. Après des recherches menées avec mon père et mon oncle, nous avons retrouvé son fils Antonio, aujourd’hui âgé de 86 ans. 18. Au téléphone, Antonio me dira que même s’il a vécu jusqu’à ses 14 ans à Villargordo del Cabriel, il n’a jamais rien su des actions réelles de son père. Ni sa mère ni personne d’autre ne lui en a jamais parlé. 19. La procession du 15 aout 2025 débute devant la plaque apposée à l’entrée de l’église de Villargordo del Cabriel rendant hommage à ceux “tombés pour la patrie”. Les noms des 22 personnes supposément tuées par Lorenzo figurent en dessous de celui de José Antonio Primo de Rivera : le fondateur de la Phalange, parti fasciste qui fut l’un des piliers du régime franquiste. 20. À l’entrée du cimetière de Villargordo del Cabriel, un autre monument honore les 22 supposés sympathisants franquistes tués par Lorenzo. 21. Tombe de Lorenzo à Villargordo del Cabriel. Après son identification, ses restes ont été remis à la famille. Il repose désormais à côté de sa femme et à quelques mètres d’un monument rendant hommage aux 22 personnes assassinées.
A PROPOS
HANS LUCAS
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